Les NFT sont-ils une betise capitaliste ou un miracle technologique ?

Mise à jour Le 02/06/2023

Attention spoiler : ni l’un ni l’autre. Ou bien peut-être un peu les deux. Enfin je crois. Il existe des monstres gentils, ce qui n’empêche pas de les surveiller.

NFT par Gordon Johnson
Image par Gordon Johnson

Mon point de vue hybride sur la question des NFT

OK, j’ai une double casquette, celle de webmarketeuse dans mon ancienne vie professionnelle, et d’autrice de romans pour enfants et ados dans la nouvelle.  Le mix des genres est à priori improbable si l’on se fie aux apparences, et pourtant, c’est comme ça, et ça peut en fait être très drôle dans la vie de de tous les jours. Un exemple très actuel et très flagrant est le cas des NFT.

Mes contacts professionnels, qui ne jurent que par l’entreprenariat, les trucs nouveaux en général et surtout quand ça permet d’en jeter auprès des collègues et des copains et de gagner plein de sous, trouvent ça fantastique et ne jurent que par ça.

Mes collègues auteurs et autrices, pour la majorité ancrés politiquement à gauche voire, sans les  trahir, à l’extrême de l’extrême gauche, les ont en horreur et considèrent que seuls les affreux ogres capitalistes se laissent aller à un tel scandale.

Tous ces gens, bien entendu, s’expriment principalement sur les réseaux sociaux, où le débat n’est pas possible par manque d’espace, mais également parce que ce n’est plus dans l’air du temps d’y débattre. Linkedin est fait pour se vendre auprès d’entrepreneurs et de chefs d’entreprise libéraux et de droite, tandis que Twitter permet aux anticapitalistes farouches (et anti-racistes, il faut le mentionner aussi), de trouver scandaleux tout ce qui s’y passe. Facebook, c’est pour les vieux et plus personne n’y va. Notez bien que cela ne m’empêche pas d’y rester présente, car il n’est pas besoin d’être d’accord avec tout pour écouter et y trouver quelques merveilles. 1

Accessoirement, cela me permet de m’émerveiller devant les écarts fantastiques entre les univers des uns et des autres, qui semblent s’ignorer totalement entre eux et vivre dans des mondes parallèles alors qu’ils parlent du même sujet 2. Instagram a l’air plus modéré mais je viens d’y débarquer, et les autres réseaux, je ne peux pas vous en parler, je n’y suis pas encore car je suis trop vieille. Je résume vite, mais en gros, c’est ça. Pêle-mêle, voici les arguments que je croise au fil des réseaux.

Un scandale écologique

Cet argument me fait beaucoup rire. Pas par moquerie pour ceux qui le croient, car je ne m’y autoriserais pas, ils ont le droit d’avoir leur avis. Il me fait rire car il me fait penser à mes années d’école primaire, quand certains s’opposaient au TGV par peur que cela dérange les vaches. Oui, je suis vieille comme ça (pardon pour ceux qui le sont encore plus). Si les NFT polluent, c’est à cause de l’électricité qu’ils consomment, tout dépend donc de la production électrique qui fournit les serveurs. Sur ce point je crois ferme que la meilleure solution bas carbone est l’énergie nucléaire, mais c’est un autre sujet. Ces personnes qui accusent les NFT de polluer ne doivent pas se souvenir, peut-être parce qu’elles sont trop jeunes, des économies de papier que l’on a faites lorsqu’on est passé au mail, et celles qu’on a encore faites lorsque les gens ont cessé de les imprimer pour les lire. Internet n’est pas une source de pollution, je n’y crois pas une seconde 3

Ils seraient une arnaque pour ceux qui les achètent

Il y a effectivement des faux sur le marché du NFT.

Le secteur étant nouveau et l’engouement réel, les escrocs ne se privent pas d’en profiter. Il s’agit donc de ne pas faire n’importe quoi, et de céder à l’appel d’un truc nouveau simplement parce que les copains y sont. Personnellement, si cet argument est valable, il me passe au-dessus car en tant qu’artiste, je serai éventuellement amenée à créer des NFT, pas à les acheter, et je n’ai aucune intention d’arnaquer qui que ce soit.

Le réel argument est celui d’un titre de propriété numérique sur une œuvre à laquelle, finalement, l’accès n’est pas restreint et qui peut être partagée, titre de propriété essentiellement honorifique de ce fait. Cet argument est le plus pertinent et celui qui est pour moi le plus ardu à trancher. J’avoue que je ne sais pas. Si je ne sais pas, c’est aussi parce que je ne suis pas collectionneuse, cela ne m’a jamais intéressée. Car, finalement, des propriétaires de tableaux prêtent bien parfois leurs œuvres à des musées ou des expositions, elles restent à eux pour autant. Sur ce point, je n’ai absolument aucun avis, et je pense que c’est l’histoire propre aux NFT qui décidera si ce fut une mode passagère ou si les collectionneurs s’approprient cette façon de collectionner de l’art. Ce sont eux qui vont décider, et le marché  évoluera en fonction, ou s’effondrera4. Là encore, la question me turlupine, mais, étant artiste et non acheteuse, la question de mon point de vue n’est pas fondamentale.

Les NFT seraient une nouvelle forme d’art révolutionnaire

Bored ape yacht club par Artur Shihman
Image par artur shihman

C’est une possibilité. Je me méfie de cet argument, car les défenseurs de cette théorie s’y connaissent souvent plus en cryptomonnaies et en cours d’actions boursières qu’en art proprement dit, cependant ce n’est pas du tout impossible. Si c’est le cas, la première forme d’art impactée, sera ou plutôt est déjà l’art graphique. De par leur forme, les gifs, vidéos et autres compositions graphiques numériques s’adaptent particulièrement bien au support NFT. Pourquoi pas des œuvres littéraires comme certains le suggèrent, même si de prime abord c’est moins évident, je n’y vois aucun problème, ou toute autre forme d’art. La seule inconnue à mes yeux, du moins la seule qui m’intéresse, est celle-ci. Qu’apporte, artistiquement parlant, le support NFT à une œuvre d’art ? Quelle raison peut avoir un artiste, en dehors du gain financier, d’aller vers les NFT, et dans quelle mesure peuvent-ils apporter quelque chose de nouveau artistiquement ? Comment les artistes peuvent-ils s’en saisir, non pour gagner plus d’argent, mais pour créer autrement et inventer quelque chose ? Car, si révolution il y a, elle doit être là, et pas seulement sur le compte bancaire des créateurs, même si le détail n’est pas négligeable.

Et alors, Elodie Carraz, vas-tu basculer du côté obscur et créer des NFT ?

Alors je ne sais pas, mais pourquoi pas un jour. Tout dépendra de la réponse que j’aurai opposé à la question du dernier paragraphe5. Si je fais ce choix, il devra se justifier artistiquement et ce sera mon seul critère. Si je suis attachée à l’objet livre, qui se feuillette, se prête, que l’on a parfois en double et qu’on peut déposer dans une boite à livre, il est des textes qui ne passeront jamais ce cap, pour de multiples raisons. Ce peut être parce que personne ne leur a donné leur chance, mais dans ce cas, il faut se demander pourquoi, et faire le choix du NFT non par défaut mais pour une raison précise, qui appartient à chacun. Il est aussi des textes qui ne rencontreront jamais le lecteur sous leur forme originale, parfois très éloignée de la forme publiée, mais qui peuvent être intéressants en tant que source documentaire, afin pour nous artistes de partager sur le travail de création et rendre public, pour faire simple, une photo « avant/après ». La publication papier n’aurait aucun intérêt, car l’œuvre n’est pas aboutie.

Un autre type de texte auquel je pense, (désolée, je ne cite que les miens, parce que c’est tellement plus commode), est un texte qui est arrivé au mauvais moment. Je pense à un roman que j’ai écrit en 2016, qui parle d’épidémie mondiale, de réhabilitation du nucléaire, et de personnages qui n’échangent qu’en vidéo conférence en raison de l’éloignement (pas de l’épidémie, je ne suis pas allée jusqu’à imaginer ça). Ce texte ne sera probablement jamais publié, car s’il sortait aujourd’hui, le lecteur aurait l’impression que j’ai pompé l’épidémie de Covid et la campagne présidentielle de 2022, et que je me fais un plaisir de lui refourguer tout ça, et de lui refaire revivre les pires moments de ces dernières années. Ce n’était pas l’objectif de ce texte, je l’ai voulu engagé mais positif, et surtout complètement barré, je n’avais aucune intention de voir les choses se passer ainsi cinq ans plus tard. Je vous rassure, c’est tellement barré que ce n’est pas possible exactement. C’est un texte dont je suis fière, que je revendique, même si je me rends compte aujourd’hui qu’il a besoin d’être retravaillé car il porte les défauts de jeunesse d’un premier roman. Je ne dis pas que mes autres romans sont parfaits, simplement que les défauts de celui-ci me sautent aux yeux. Il se peut qu’un jour, lorsque le débat sur les NFT se sera apaisé, je fasse ce choix si j’estime que c’est sa place, et à cette condition seulement6.

Enfin, je viens d’y faire allusion, un autre élément entre en ligne de compte, même s’il ne devrait pas l’être à priori, est celui de la violence actuelle du débat. Ecrire, et créer en général, nécessite de la sérénité. Afin de faire quelque chose de bien, c’est-à-dire de différent et d’unique, il faut se sentir libre d’être jugé sur la création elle-même, qui plait ou ne plait pas, et non sur le toupet qu’on a eu d’avoir osé créer un truc.  On n’en est pas encore là, pas pour les œuvres littéraires en tout cas.

Mise à jour le 23/08/2022

1 J’ai fini par fermer mon compte twitter, tant je n’y trouvait qu’insultes et gens qui hurlent en majuscules sans chercher à comprendre la question. La haine attire le clic, le clic ne promeut pas le débat.

2 Les réseaux sociaux, s’ils mettent les gens en relation, les enferment aussi dans une bulle de gens qui sont tous d’accord entre eux et dans un domaine qui les intéresse. Plus ces gens hurlent et insultent les autres, plus ils reçoivent de j’aime et de partage. Les gens qui crient le plus fort ne sont pas toujours les plus intéressants. S’intéresser à des sujets qu’on ne connait pas déjà est le meilleur moyen de ne pas mourir idiot. Il faut savoir, quand il le faut, s’éloigner des réseaux sociaux, qui sont l’antithèse de la démocratie et du vivre ensemble.

3 Je modère ce propos aujourd’hui, suite aux arguments de Jean-Marc Jancovici et Aurélien Barrau. Si, dans l’absolu, la consommation d’énergie dépend de comment elle est produite, le Metaverse et le web 3 sont une source de consommation supplémentaire, dont nous n’avons actuellement pas besoin. SI l’électricité nucléaire ne produit pas de CO2, on doit admettre que l’électricité mondiale aujourd’hui est loin d’être majoritairement nucléaire, beaucoup basée sur le gaz, et même le charbon, et qu’il est urgent de ralentir sa consommation, d’autant plus pour produire des choses qui ne servent à rien.

4 Ou s’effondrera en raison, par exemple, du prix de l’explosion du cout de l’énergie du à la crise climatique.

5 Et surtout, de l’évolution de l’état de notre planète et de son climat. Je me rends compte aujourd’hui, que faire du NFT ces jours-ci est une lubie d’artiste et de collectionneur, absolument pas compatible avec l’urgence climatique actuelle.

6 Enfants de Gaïa ne sera jamais un NFT. Il trouvera sa place en tant que roman, ou pas. Il ne participera pas à augmenter une consommation d’énergie devenue irresponsable, ni à aggraver la santé de notre planète. Le prétexte de la démarche artistique ne permet pas tout.

Mise à jour Le 02/06/2023

Je pense, aujourd’hui, qu’effectivement les NFT vont révolutionner l’art tel que nous le connaissons. Je défends ici un point de vue qui est aussi un témoignage, Monsieur Riad Sattouf nous dira s’il va dans ce sens, des rapports exécrables en France entre auteurs et éditeurs. Les Editeurs ne répondent pas aux sollicitations des auteurs, font des manières, nous ne sommes jamais assez bien pour eux.

Sans citer personne, certains diffusent de la soupe à l’eau de vaisselle pour que ce soit accessible, tandis que les éditeurs de livres pour adultes publient des histoires sordides à en faire des cauchemars pour le restant de ses jours.

Si l’on ajoute à cela le nombre de millénials qui se mettent à tous écrire des livres en même temps, on n’y arrivera pas sans un peu de technologie même avec de très bon éditeurs qui existent encore, heureusement.

Je vois dans les NFT une porte de sortie. Mais pas sans les livres.

C’est pourquoi, suite à la restitution de mes droits par mon ex-éditeur Relicha, j’espère me lancer dans l’expérience très bientôt.

L’un de mes romans, pourquoi pas le tout premier « Thomas Rigoleur» que j’ai écrit en CM1, sera publié je ne sais où en livre papier, dans sa version revue et corrigée. En revanche, la version Kindle du texte original, non retouché, sera proposée en NFT sur la plateforme Opensea.io.

Le but étant d’offrir aux gens riches la possibilité de conserver des droits sur une œuvre, un peu comme le font les Business Angels à leur façon. Mais de laisser au public moins fortune la possibilité de lire l’histoire quand même. La seule chose qu’on risque, c’est de voir baisser le prix des livres vendus en NFT sur le Web 3, et que plus de monde ait accès à la lecture. Comme ça, on met les diffuseurs à la poubelle, et pour les libraires, les vrais, ceux qui souffrent des manières diaboliques des diffuseurs, il y a à inventer une rémunération autre, qui passe par le conseil avant d’aborder l’aspect commercial.

Moi, ça me va.

En conclusion : Le NFT est un retour en arrière qui porte la bonne nouvelle

L’idée est que l’objet livre redevienne, comme aux temps des scribes et des moines copistes, un objet précieux, tandis que les NFT jouent le rôle des troubadours financés par les Seigneurs environnants, et portent les nouvelles en échange d’un verre de vin et d’une tranche de fromage afin de rendre la culture internationale et sans frontières.

Ca vous va comme programme ?

Je souhaite au passage défendre ici la liberté d’expression que permet la plateforme KDP d’Amazon, contrairement à nombre éditeurs français qui formatent le marché et ferment leurs portes dès qu’un texte n’est pas suffisamment commercial.

A très bientôt sur Opensea.io